À Misson, les Ateliers de la Danse s’engagent sur le front de l’inclusion

Mercredi, 15h. Les pas et les roues se succèdent sur le parquet de la salle des fêtes de Misson, les voix enjouées se saluent, les sourires se rencontrent. Ce moment de la semaine, les danseuses l’attendent avec impatience. « C’est une activité que je ne lâcherais pour rien au monde », exprime Nathalie. De 17 à 76 ans, en situation de handicap ou valides, elles forment un collectif du mouvement, de l’expression libre, celle de l’esprit et du corps qui se meuvent en musique. 

D’abord, on échauffe les corps, on délie les articulations, on se laisse guider par les gestes chorégraphiés et la bienveillance de la professeure, Dominique Peyronne. Puis, c’est l’envol : les danseuses improvisent et impriment leur gestuelle dans l’espace. Chacune mise sur ses capacités : pour les unes, le fauteuil devient une énergie roulante qui accompagne la danse ; pour les autres, le handicap n’est pas visible mais il faut s’adapter aux contraintes mentales et corporelles.

Et les valides alors ? Elles partagent, elles reçoivent, elles guident. Maïna, 17 ans, a vécu cette première année avec le groupe comme une véritable expérience de vie : « j’ai vu un autre monde, je n’ai pas vu des personnes en situation de handicap mais des personnes qui utilisent leurs faiblesses pour des forces, et j’ai adoré. Comme je suis valide dans ce groupe, je mène [la chorégraphie] et elles se reposent sur moi pour les pas, j’avoue c’est tout nouveau pour moi mais j’ai beaucoup aimé. L’ambiance est incroyable, on parle, on rit, on danse ! ». Toutes sont unies par le plaisir absolu de se libérer par la danse. Lili, habitante du Pays basque voisin, vient depuis sept ans : « pour moi ça a toujours été l’envie de venir, l’envie de m’échapper de mon quotidien ».

Au-delà de la création artistique, c’est aussi le moyen de travailler le corps, la mémoire et la coordination, dans un cadre bienveillant qui inspire la confiance. « J’ai beaucoup progressé dans le maniement du fauteuil, la danse nous fait énormément travailler le haut du corps, et cet atelier m’a rassurée sur ma capacité à faire » explique Nathalie. « J’ai découvert des muscles que je ne connaissais pas, et j’ai appris la droite et la gauche » ajoute, rieuse, Marie-Claude. Maïwen confie : « j’ai fait un burn-out très sérieux, je suis arrivée là pour essayer de remettre mon cerveau à l’endroit, parce que j’avais aussi perdu cette capacité à me situer dans l’espace ».

Dominique Peyronne a lancé l’atelier de danse handi-valides en 2014 au sein de l’association Les Ateliers de la Danse de Misson, après l’avoir initié au Conservatoire de Dax, puis développé au Conservatoire de Mont-de-Marsan. Forte d’un parcours singulier tourné vers l’expression la plus pure de la danse, celle du partage au-delà des différences, des contraintes et du handicap, la professeure passionnée promeut « la danse en partage », une danse ouverte à tous, qui engage chaque individualité à créer des passerelles avec l’autre. « C’était la volonté première de la création de l’atelier : que les valides viennent à la rencontre des personnes en situation de handicap », rappelle Dominique Peyronne. 

En janvier 2025, une passerelle s’est ouverte avec le Village Landais Alzheimer à Dax : l’association a exporté une séance handi-valides à l’Auditorium du Village. Ce fut l’occasion pour le groupe de s’ouvrir à d’autres personnes et à une autre forme de handicap. Pour les Villageois, c’était l’opportunité de vivre la danse au cœur de leur lieu de vie tout en intégrant un collectif extérieur au Village. À l’Auditorium, c’est un moment de partage joyeux qui s’est construit avec la musique, une bulle hors du temps où chaque participant a pu profiter pleinement de l’instant présent. Ce nouveau lien créé, l’association est revenue en avril présenter un spectacle de danse à l’Auditorium. Cette fois-ci, ce sont les danseuses adolescentes et adultes de danse moderne et classique qui ont offert une représentation devant une salle comble et enthousiaste.

Le spectacle de danse fait aussi partie intégrante des objectifs de l’atelier handi-valides. Chaque année, au mois de juin, le groupe présente sa chorégraphie sur scène. C’est un moment extrêmement important, une visibilité nécessaire. « Avec le spectacle de fin d’année, c’est l’intégration complète », explique Lili. Toutes les classes de danse se regroupent pour une communion artistique d’une journée, en coulisses c’est l’entraide et la bonne humeur. Dans la salle, Marie-Claude exprime le rapport avec le public : « quand les gens nous regardent danser, ils ne voient plus le handicap, ils regardent les gestes ». 

Le 22 juin 2025, une captation vidéo de la chorégraphie de l’atelier handi-valides sera projetée sur la scène de l’Atrium à Dax durant le spectacle des Ateliers de la Danse de Misson, Raconte-moi des histoires. Le tournage a été réalisé un dimanche après-midi sur le parvis de la gare, attirant les voyageurs curieux, enjoués d’être à l’avant-poste de ce spectacle outdoor et témoignant de l’importance de ce type d’action pour faire évoluer le regard vers plus d’inclusion.

Ana, danseuse valide qui guide sa fille Zoé, insiste sur l’importance des captations et leur diffusion, car elles constituent une valorisation de leur travail : « grâce aux vidéos, nos créations sont visibles, nous pouvons les partager avec la famille, les amis… ils sont impressionnés de ce que nous pouvons accomplir ». Les professionnels également : en 2018, l’atelier a reçu le 1er Prix du Festival du court métrage « L’attrape rêve » à Rivesaltes (66), une belle consécration pour l’ensemble du groupe et leur professeure. 

© Anne Garçon pour Les Ateliers de la Danse de Misson