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07/07/2025
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Sous la direction de Laurent Callegarin, responsable de l’IRAA (Institut de recherche de l’architecture antique) à l’université de Pau, le PCR Sordus rassemble des archéologues, des historiens et historiens de l'art, des architectes et des géophysiciens. Un cumul de compétences indispensable pour comprendre l’histoire du site de Sorde qui a accueilli successivement au bord du gave d’Oloron une villa gallo-romaine (circa IIIe-Ve siècle), un monastère bénédictin (à partir du Xe siècle) puis une restauration spectaculaire de l’abbaye sous l’égide de la congrégation de Saint-Maur (XVIIe-XVIIIe siècle).
2024 marquait la deuxième année de travaux du PCR programmé de 2023 à 2025. Différentes méthodes de recherche ont été convoquées : étude des archives médiévales et modernes, prospections géophysiques grâce aux technologies les plus modernes (photogrammétrie, orthophotographie) et sondages archéologiques avec deux campagnes de fouille au printemps et à l’automne. Six carottages, jusqu’à 7 mètres de profondeur pour certains, ont également été effectués dans le lit du gave. « Avec les pollens récoltés, on aura une idée des cultures et des arbres alentour présents aux différentes époques », éclaire Laurent Callegarin.
Des découvertes importantes remettent en question les connaissances que l’on avait sur la villa gallo-romaine. Dans une grange située à l’est du site ont été trouvées des céramiques datant des Ier et IIe siècles. « On a reculé de presque deux siècles l’âge de la villa », synthétise le directeur du PCR Sordus.
Et ce n’est pas tout : en fouillant dans l’ancien cloitre sous des sépultures médiévales et modernes, Louis Lopeteguy, doctorant en archéologie du bâti à l’université de Bordeaux, a mis au jour des mosaïques des IV-Ve siècle de la même école (d’Aquitaine) que dans la villa gallo-romaine. Leurs motifs correspondent à des pièces à vivre, ce qui donne à penser que cette résidence rurale était bien plus vaste qu’imaginé, avec une superficie approchant les 6 500 m2. « Si on inclut la ‘’pars rustica’’, partie réservée aux domestiques et aux travailleurs, on peut imaginer un immense domaine campagnard de 15 000 m2 », suppose Laurent Callegarin.
Les archives médiévales confirment la réputation ancienne des mosaïques de Sorde. Faisant référence au Beatus de Saint-Sever, un des plus célèbres manuscrits du Moyen Âge réalisé vers 1060, Stéphane Abadie, docteur en histoire médiévale, avance : « on a la très nette impression que les enlumineurs de Saint-Sever sont venus à Sorde et ont pris les mosaïques antiques comme modèles ».
Le début de la construction du monastère bénédictin est estimé à la fin du Xe siècle. En tout cas, l’étude des archives ne fait état d’aucun acte avant 970. Par la suite, « des personnages très importants vont donner des terres pour aider à développer ce monastère », révèle Stéphane Abadie : « beaucoup d’argent a été dépensé pour des choses qu’on ne voit plus archéologiquement comme le cloitre roman ». Très rapidement, avant le milieu du XIIe siècle, des liens très forts sont tissés entre le bourg abbatial et le port de Bayonne, comme en témoigne la présence de bateliers de Sorde aux processions de la cité basque. C’est aussi un lieu important du pèlerinage de Compostelle, en tant que dernier point de traversée avant l’Adour.
Au long de son histoire, l’ensemble abbatial a connu de constantes modifications : « entre 14 et 16 périodes de construction depuis le Moyen Âge », estime Louis Lopeteguy, qui a pour objectif d’établir un phasage des aménagements successifs. L’édifice a énormément souffert durant les guerres de religion au XVIe siècle, avant la reprise en main et la spectaculaire transformation par les mauristes aux XVIIe et XVIIIe siècles. De l’église romane, il ne reste plus qu’un mur dans l’actuelle grange aux dîmes. Les constructions gothiques (XIIIe siècle) sont également très peu conservées.
Les fouilles de 2024 ont permis de révéler toute une série de tombes en pleine terre ou à coffrage un peu plus monumental. Elles sont alignées, ce qui peut fournir des indices pour une proposition de restitution du cloitre médiéval. Des vues orthophotographiques de l’église ont permis de distinguer des arrachements de voute ce qui laisse supposer que le vaisseau central était à l’origine au moins 3,50 mètres plus haut, selon le jeune archéologue du bâti, ajoutant que « la construction de la toiture à l’époque mauriste a entrainé la disparition de tout un étage de claires-voies, des fenêtres hautes qui éclairaient la nef ». En 2025, deux sondages étaient prévus dans l’église afin de retrouver le rythme des travées de l’abbatiale romane. « On a seulement l’enveloppe mais on n’a aucune trace des piliers centraux », explique Louis Lopeteguy qui aimerait aussi « essayer de cerner les occupations antérieures à l’église romane, durant les époques mérovingiennes ou carolingiennes ».
« C’est assez nouveau d’étudier cette époque du XVIIIe siècle », se félicite Thibaut de Rouvray. Cet historien spécialiste des Mauristes s’est penché sur les archives de cette congrégation de moines bénédictins réformés créée au début du XVIIe siècle. En 1664-1665, le frère Robert Plouvier décrit dans son état des lieux un monastère en ruine et propose des plans de reconstruction qui seront adaptés par Dom Antoine Poumet vers 1678. Un nouveau cloitre est construit, de même que la magnifique terrasse sur le gave d’Oloron.
Au XVIIIe siècle, sous la férule de la congrégation de Saint-Maur, l’abbaye connait une nouvelle phase de prospérité. C’est à ce moment-là qu’est construit le cryptoportique, une galerie souterraine de 70 mètres de long alimentant une vingtaine de caves. En 2023, des fouilles préventives à la réfection de la structure ont mis au jour un ingénieux système de toiture de tuiles servant à l’étanchéifier. Les denrées stockées dans les granges batelières étaient acheminées par le gave et arrivaient via un embarcadère « d’une ampleur sans aucun équivalent en Europe de l’Ouest », souligne Stéphane Abadie. La Révolution française mettra un terme brutal l’essor de l’abbaye alors que les travaux d’embellissement étaient tout juste achevés.
En 2025, l’équipe du PCR Sordus aura recours à des techniques scientifiques de pointe pour effectuer des datations absolues. L’objectif demeure d’affiner les hypothèses émises lors des deux premières années de recherche. « On va essayer de produire des livres et des visuels, comme un plan de l’établissement coloré selon les différentes périodes de construction », promet Laurent Callegarin.
Le PCR Sordus
Inscrite sur la Liste du patrimoine mondial de l'Unesco au titre des Chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle en France, l’abbaye de Sorde est un ensemble patrimonial complexe et exceptionnel à l’histoire méconnue. Le site, occupé dès l’Antiquité par une villa romaine, devint une abbaye bénédictine au Moyen Âge.
Afin d’approfondir la connaissance de l’abbaye de Sorde, les trois collectivités partenaires pour sa conservation et son ouverture aux publics (Département des Landes, Communauté de communes du Pays d'Orthe et Arrigans et Commune de Sorde-l'Abbaye) ont engagé en 2022 un Projet Collectif de Recherche (PCR). Ce projet scientifique a été confié à l’Institut de Recherche sur l'Architecture Antique (IRAA) de l’université de Pau et des Pays de l’Adour (UPPA), sous la direction de Laurent Callegarin.
Le Projet collectif de recherche Sordus bénéficie du soutien du Service régional de l'archéologie à la DRAC Nouvelle-Aquitaine et du Département des Landes.
Pour aller plus loin
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