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Dans le quotidien d'un Ehpad public landais

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L'Ehpad de Labrit accueille 63 résidents dont une majorité en état de grande dépendance. Immersion auprès des habitants et personnels au métier passionnant et difficile.

30/10/2019

© S. Zambon | Dpt 40
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Au petit matin, l'Etablissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes se réveille tranquillement dans le bourg de Labrit. En chambre ou dans les « tisaneries » réparties sur les trois ailes de l'établissement, le petit déjeuner est servi à l'heure voulue par les habitants.

« Souvent quand on fait des formations à l'extérieur, les filles nous envient, parce qu'ici on ne réveille pas les résidents pour qu'ils prennent leur petit déjeuner tôt, explique une aide-soignante : c'est leur vie, s'ils veulent se lever à midi, ils peuvent. Ca nous prend plus de temps dans l'organisation, c'est certain, mais de quel droit leur imposer un rythme qui n'est pas le leur ? On a aussi un monsieur qui avait l'habitude de manger de la soupe chez lui le matin, alors on essaie de lui en garder du dîner de la veille ».

Tout n'est pas toujours possible mais « malgré les contraintes, on essaie au maximum de tendre vers le respect du rythme du résident », renchérit Justine Legodou, infirmière coordinatrice.

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La charge physique et mentale s'est considérablement alourdie. La chance que l'on a, c'est d'être une super équipe très soudée avec une hiérarchie reconnaissante, tous dans la même optique : le bien-être de ces personnes qui ont eu notre âge et dont on occupera peut-être un jour la place.

Citation de Valérie Dupouy et Sandrine Langlois (aide-soignantes)

Avec une équipe de 3 infirmières, 18 aides soignantes, 5 personnels de nuit, 8 agents d'entretien et 4 animatrices, à laquelle s'ajoutent notamment une médecin coordinatrice, un psychomotricien ou une diététicienne, le taux d'encadrement (0,69 Équivalent Temps Plein par résident) est ici au-dessus de la moyenne nationale (0,56). Comme ailleurs en France, les gens qui arrivent dans l'Ehpad sont beaucoup plus âgés et dépendants qu'il y a dix ans, avec souvent des troubles psycho-comportementaux qui prennent beaucoup d'énergie psychologique aux personnels.

Entraide et petites victoires

« La charge physique et mentale s'est considérablement alourdie, jugent Valérie Dupouy et Sandrine Langlois, aides-soignantes : c'est très difficile de soulever plusieurs fois par jour certains résidents dépendants à 100 %, d'entendre des gens qui crient, qui veulent dire une phrase mais n'y arrivent pas. Mais on a aussi de très beaux moments avec eux, des petites victoires, des rires, des moments partagés... La chance que l'on a, c'est d'être une super équipe très soudée avec une hiérarchie reconnaissante, tous dans la même optique : le bien-être de ces personnes qui ont eu notre âge et dont on occupera peut-être un jour la place. Alors on s'entraide, sinon on craquerait. Quand on n'est que trois le week-end au lieu de quatre en semaine, c'est très dur, car les résidents ont les mêmes besoins le samedi et le dimanche ». Les aide-soignantes demandent donc plus de moyens humains.

« Dès qu'il manque une personne, on le ressent, c'est toujours à flux tendu », explique aussi Charline Van Den Broeck qui se trouve tout de même « bien mieux ici qu'une copine infirmière à l'hôpital ». La journée de cette infirmière sans blouse blanche est rythmée par la préparation des médicaments, les soins en chambre (pansements, surveillance de glycémie...) et tous les imprévus inhérents à un Ehpad.

En parallèle, les animatrices contribuent elles-aussi chaque jour à faire de l'Ehpad un vrai lieu de vie par des ateliers variés, de la cuisine au chant, de massages en jeux de mémoire ou art-thérapie.

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Ce ne sont pas des activités pour des activités, on essaie de créer du lien, recréer des moments de vie quotidienne de la maison. Ici il n'y a pas de chronomètre, on est dans la relation humaine.

Citation de Marie-Lou Dupouy et Maylis Martinez (animatrices)

Ce matin-là, atelier compote aux pommes du jardin de l'établissement qui accueille aussi un poulailler aux belles poules blanches. Autour de la table, couteau en main, Andréa, les deux Jacqueline, Carmen et Hélène papotent en coupant les fruits, et rigolent : l'une a revé qu'elle plumait les oies cette nuit, une autre qu'elle mangeait du foie gras ! Des résidentes toujours en forme qui participent aussi, de temps en temps, aux « P'tits restos », des repas qu'elles préparent entièrement avant de les déguster en petit comité. Et cet automne, les cèpes sont attendus en cuisine. « Ici on mange bien, on s'amuse bien et on dort bien comme disent les enfants sur les cartes postales ! », lance Jacqueline qui est arrivée ici il y a un peu plus d'un an.

 

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Repas faits sur place et "finger food"

Vers midi, pendant que cuit la compote, c'est « la valse des fauteuils roulants » dans la salle de restaurant, comme dit Paulette, 95 ans. Au menu, salade de fonds d'artichauts, sauté de boeuf-riz, fromage et flan. Les repas sont faits sur place, -ainsi que pour les cantines scolaires, les personnels du CIAS et les portages à domicile-, par une équipe de six personnes qui s'intéresse aussi à la « finger-food », une cuisine format tapas pour permettre au résident de manger avec les doigts en autonomie plutôt que d'être nourri à la cuillère par quelqu'un.

Fabienne Schaerer, infirmière libérale sur Labrit, vient tous les jours voir sa mère ici et y partage de temps en temps un repas avec elle :

C'est un lieu de vie malgré tout, je viens avec mon chien Djoko qui apporte aussi son petit quelque chose. En tout cas, ici la prise en charge est bonne, même si on connaît les difficultés du métier, ils s'occupent des pensionnaires et aussi des familles, il y a toujours quelqu'un pour savoir si ça va.

Citation de Fabienne Schaerer (fille d'une résidente)

Pendant la sieste des résidents, c'est d'ailleurs l'heure des « transmissions » entre les équipes du matin et du soir, une réunion d'une petite heure, moment d'échanges entre une quinzaine de professionnels où toutes les questions sont abordées au fil des noms des personnes âgées inscrits sur le grand tableau blanc : fausse route inquiétante d'un pensionnaire, nécessité d'un coussin anti-escarre pour un autre, problème d'appétit ou souci de communication avec des familles... « le triangle résident-famille-personnels est très important dans le quotidien », explique la médecin coordinatrice, Marie-Pierre Lauga-Clercq, et « la force de l'équipe c'est de trouver la solution à plusieurs cerveaux ».

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Le fil rouge, c'est la formation

Ici, « le maître-mot, c'est anticiper », poursuit-elle, comme en fin de journée quand l'agitation se fait sentir dans la grande salle où se mêlent les familles et la télévision avant le dîner : « il suffit alors de pas grand chose pour perturber une humeur guillerette » et rendre le coucher plus compliqué pour les résidents et les personnels. Bientôt un salon télé sera ainsi aménagé au fond de la pièce commune pour mieux délimiter les espaces et les sons.

« Le temps du soir entre 18 et 21h est un des temps de fragilité du quotidien, un mauvais coucher c'est souvent une mauvaise nuit et donc derrière une journée difficile. Le deuxième temps faible est situé le week-end où on est en sous-effectif », reconnaît Christophe Deyris. Pour le directeur du CIAS (centre intercommunal d'action sociale) Coeur Haute-Lande, « il faut prendre en considération les difficultés en permettant aux structures de répondre aux besoins d'accompagnement des usagers et des professionnels et personnels qui sont super-engagés et qui aiment leur métier ».

« On met le paquet sur la formation, et le fil rouge, c'est l'humanisme en mettant toujours la personne au centre », poursuit le responsable : mais « stop à l'Ehpad bashing qui consiste à discréditer la qualité des maisons de retraite. Il faut s'ouvrir encore davantage et travailler sur l'intergénérationnel pour de belles rencontres avec ceux qui sont dans leur dernière maison. Ici on accueille beaucoup de stagiaires pour une démonstration par la preuve. A nous tous de réfléchir à comment mieux accompagner des jeunes vers ces métiers ».

 

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