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Dans les Landes, 70 assistantes sociales (AS) polyvalentes de secteur (il y a quelques hommes), épaulées par 10 conseillères en économie sociale et familiale (CESF), restent les gardiennes discrètes mais indispensables de la cohésion sociale territoriale, au plus près des habitants et de leurs difficultés quotidiennes. Si leur métier est le plus représenté au sein de la Direction de la Solidarité du Conseil départemental, leur discrétion reste paradoxalement ancrée dans une culture du secret professionnel, qui contraste avec l'ampleur de leurs missions.
« On ne nous voit jamais mais on est tout le temps en filigrane dans le travail social et on accompagne tous les publics », explique Marion Truchat, AS à la Maison landaise de la solidarité (MLS) de Tartas depuis avril 2022, après plusieurs années entre Labouheyre, Saint-Paul-lès-Dax et Tarnos.
Ce jour-là, dans son bureau, Marion Truchat reçoit une jeune femme qui a subi des violences par son ex-compagnon. Son fils aîné de 15 ans a été placé chez sa grand-mère par le juge, et cette bénéficiaire du RSA, parfois débordée par son bébé d'un an et demi, vit dans un logement insalubre pour lequel l'AS l'accompagne sur un dossier de lutte contre l'habitat indigne.
Mise en place de soins psychologiques, accompagnement avec une conseillère conjugale, situation financière avec une CESF pour l'accompagnement budgétaire... « Si les freins sont trop importants, que la situation est trop enkystée, nos collègues peuvent être de vrais relais pour un accompagnement global », résume Marion Truchat. Au sein de la MLS, avec les référents RSA, la conseillère numérique, les CESF, éducateurs spécialisés, sage-femmes, médecin PMI, conseillère conjugale, etc., « on ne fonctionne pas comme une famille, c'est du boulot, mais on a des liens très forts, on se fait confiance en connaissant les capacités et limites de chacun pour un accueil de service public le meilleur possible, en complémentarité. On ne peut pas ne pas penser en équipe, car le but c'est que les gens n'aient plus besoin de nous » .
Le travail se fait forcément à plusieurs, en partenariat avec d'autres travailleurs sociaux selon les cas, des experts du CIDFF ou de l'Adavem JP 40 (pour les violences faites aux femmes), de la PMI, de France Travail, des ATPA (Antennes territoriales personnes âgées) ou encore avec le DAC (Dispositif d'appui à la coordination) pour les situations sanitaires complexes... Bref, tous les partenaires qui peuvent aider à débloquer des problèmes.
Dans un métier où la polyvalence constitue la caractéristique principale, Mickaël Castaingts, l'un des rares hommes AS, exerçant à la MLS de Saint-Paul-lès-Dax, décrit son rôle comme une « porte d'entrée » : « recevoir en rendez-vous, à domicile ou principalement au bureau, informer sur les droits de la CAF, de la Sécurité sociale, ceux liés au handicap, à la retraite et orienter vers des structures les plus adaptées. Le logement représente aujourd'hui le gros des demandes, et il y a de plus en plus de difficultés financières dans les foyers avec des gens qui n'arrivent plus à faire face à l'achat d'une voiture ou aux régulations d'électricité ou de gaz. On déplore aussi des délais d'attente dans les structures de soins ou une violence croissante dans certaines interventions ».
Mais les « petites victoires du quotidien » nourrissent la motivation, de relogements d'urgence pour femmes victimes de violence à de la reconnaissance de handicap permettant des reconversions professionnelles vers l'emploi adapté, ou à ce jeune aux idées suicidaires qu'on arrive « à petits pas et avec pas mal d'allers-retours » à faire sortir de chez lui. « Notre métier fait sens au quotidien, affirme Mickaël Castaingts. On essaie de faire émerger les potentialités des gens, de leur (re)donner confiance en soi ».
Lors des permanences téléphoniques du matin pour prise de rendez-vous, se mêlent des motifs divers : difficultés financières nécessitant l'établissement de budgets, séparations impliquant démarches judiciaires et relogement, burn-out, problèmes de santé, handicap, ou encore situations préoccupantes concernant des enfants. « La protection de l’enfance peut changer notre planning tous les jours. Une potentielle maltraitance, un placement en urgence, un adolescent sous antidépresseur qui fugue... Émotionnellement, c'est parfois compliqué mais on essaie de garder la distance », confie le jeune professionnel de Montfort-en-Chalosse.
Dans ce quotidien, un nouveau défi a émergé ces dernières années : l'impact des écrans sur le développement des enfants, parfois dès les premiers jours du bébé, avec des troubles autistiques de plus en plus fréquents dans les familles suivies. Le collectif devient alors un levier d'actions. Dans la pratique du « développement social local », sans être des experts, « on se met autour de la table et on réfléchit ensemble », agents départementaux, directeurs d'école, parents, hôpital, association de centres de loisirs... Des conférences à thème ont été organisées depuis 2020 au cinéma de Dax sur ces troubles neurodéveloppementaux.
Mickael Castaingts participe à la mise en place d’un forum pour le répit des parents cet automne à la base de loisirs de Saint-Paul-lès-Dax, un travail à plusieurs en co-construction.
Les assistantes sociales jonglent en effet entre accompagnements individuels et actions collectives, interventions en milieu rural et urbain, selon des niveaux d'accompagnement différents. À la MLS de Castets par exemple, Laurence Lahargou, AS polyvalente de secteur, et Geneviève Severin, CESF, animent ensemble depuis 2018 des ateliers collectifs : jardin partagé, sorties nature, atelier théâtre, cuisine, etc. Cette envie est « partie d'une formation commune qu'on a faite autour du développement social local et de l'estime de soi. À deux, on se complète ».
L'expérience a aussi montré que certaines personnes fonctionnent bien en individuel mais peinent dans le collectif, parfois par difficulté d'intégration ou comportements agressifs. « Il faut les aider pour établir un lien de confiance », selon Laurence Lahargou. C'est en travaillant sur des désirs apparemment anodins que le collectif parvient à trouver sa voie. Les séances où chacune amène sa musique préférée illustrent cette philosophie : « ça demande d'oser faire écouter ce qu'on aime et d'écouter la musique des autres, ça paraît simple mais ça ne l'est pas toujours », relatent les travailleuses sociales. Ces sessions ont permis d’ouvrir la réflexion sur le regard des autres, devenu « la base de travail dans ce collectif ». Des dames qui n'osaient pas aller au cinéma ou au marché seules réussissent à franchir ces étapes grâce au groupe.
La petite équipe a aussi créé un collectif emploi-jardin « pour parler de tout et avancer en faisant pousser des choses » avec des personnes percevant le RSA ou un autre minima social, et des gens ayant des problèmes de mobilité ou dans l'isolement social.
Dernière sortie en date, une balade au chêne de Nerthe à Magescq, un lieu propice à la méditation pour de la lecture à plusieurs autour de l'arbre de 600 ans d'âge. Des « petites choses, des petits riens », et autant d'instants qui, mis bout à bout, tissent un parcours de reconstruction personnelle et sociale.
Sandrine, l'une des participantes, qui ne peut pas travailler car en invalidité, témoigne : « je viens à chaque fois aux ateliers. Ça me permet de rencontrer des gens, éviter l'isolement social, de partager, de sortir de la maison et de la routine. Ce n'est pas quantifiable mais l'impact que ces moments ont sur nous, les bénéficiaires, c'est énorme pour se sentir mieux et avancer ».
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