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Une journée au Centre départemental de l'enfance

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Depuis 50 ans, le CDE accompagne les enfants et adolescents landais en difficulté. Reportage au côté des équipes qui aident, au quotidien, des jeunes à aller mieux.

16/08/2022

© J. Ducourau
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Il est 7 h 40 quand Lydia Lamothe, déjà levée depuis un bon bout de temps, démarre dans sa C4 Picasso sur le parking de l'Institut thérapeutique éducatif et pédagogique (I.T.E.P.) du Pays dacquois, à Saint-Paul-lès-Dax, où sont accueillis des enfants ayant des troubles du comportement. Direction Peyrehorade pour aller chercher Noé, 10 ans, dans sa famille et le ramener à l'I.T.E.P. pour la matinée avant de retourner l'après-midi en CM2 dans sa commune puisqu'ici les enfants peuvent parfois dormir sur place mais sont aussi intégrés en milieu ordinaire.

La parole dans le huis-clos de la voiture

Comme trois autres agents à l'I.T.E.P., Lydia est chauffeur-accompagnateur : « notre mission est d'assurer le transport des enfants. Au niveau des distances, il y a une grande amplitude et jusqu'à 1 200 km par semaine, ça fait de belles tournées. Mon rôle est aussi de recevoir la parole en huis-clos, les gamins nous parlent ou pas, mais ils peuvent le faire ». Pas un simple chauffeur donc. Celle qui était professionnellement dans la vente avant d'entrer dans le médico-social par ce poste en 2013, raconte : « on n'est pas thérapeute mais on recueille la parole. Dans la voiture, l'enfant nous dépose tout et n'importe quoi, sur tous les sujets, entre deux chansons à la radio. La voiture est comme un cocon, on n'est pas en face à face vu que l'enfant est à l'arrière et il se sent en confiance ».

Lydia, comme ses collègues, est tenue au secret professionnel mais un « secret partagé » avec l'équipe pluridisciplinaire : « si un enfant me dit qu'il a pris une rouste le week-end, je le répercute. On peut faire des notes d'incident. Et le vendredi lors de la réunion d'équipe, on parle de chacun des enfants et de ce qu'il s'est passé dans la semaine ».

Il faut parfois serrer un peu la vis quand l'un ne veut pas mettre la ceinture ou se met à s'énerver sans raison apparente : « si j'ai une difficulté, je peux en référer au cadre, mais souvent la menace suffit », confie cette mère de famille, aujourd'hui plus armée face aux insultes et aux accrocs qu'à ses débuts.

Lydia Lamothe décrit son quotidien de chauffeur-accompagnateur :

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Des équipes pluridisciplinaires au service de l'enfant

Une grosse demi-heure plus tard, arrivée à la maison. Quelques échanges avec la maman dans son jardin depuis le volant, et Noé monte dans la voiture : « moi, c'est vrai que j'aime bien parler avec Lydia, enfin quand je suis seul. S'il y a d'autres enfants (ils peuvent être quatre maximum dans ce sept places, ndlr), je regarde la route dans mon coin ». Il raconte sa soirée basket avec sa sœur, chante un rap qui passe sur les ondes, anticipe sur la sortie vélo à venir dans la semaine.

Au bout d'1 h 15, cette première tournée est finie, c'est désormais aux autres professionnels de I.T.E.P. (éducateurs, psychologues, agents médico-sociaux...) de s'occuper de l'enfant. Lydia, elle, enchaînera avec neuf autres allers-retours de transport, allant jusqu'à Tarnos.

En ce début de matinée, Shirley Thomy est, elle, dans son bureau juste à côté de l'entrée principale de cette antenne du CDE de l'agglomération dacquoise. Psychomotricienne, elle travaille à 25 % au Service d’éducation spéciale et de soins à domicile du Pays Dacquois (SSADD), à 60 % au Centre médico-psychologique et pédagogique départemental (CMPP) à Mont-de-Marsan et le reste du temps, dans son cabinet libéral à Dax. Pour les 7-18 ans qu'elle suit, la professionnelle essaie au maximum d'aller à leur domicile ou dans leur établissement scolaire, pour « être dans l'environnement et les lieux de l'enfant », comme avec ce jeune de Saint-Martin-de-Seignanx : « je le vois sur le temps de pause entre midi et deux, pour une demi-heure effective de suivi » afin d'effectuer un bilan psychomoteur « en partant de là où en est l'enfant » pour le faire évoluer en avançant ensemble, toujours en lien avec les autres professionnels de santé.
 

Shirley Thomy © J. Ducourau

 

Parfois pour aider un enfant agité, il faudra mettre en place du matériel spécifique, ajuster une hauteur de chaise, apporter des coussins adaptés, trouver des postures différentes pour enlever des douleurs, lui donner des timers pour visualiser le temps restant de travail et ainsi maintenir la concentration, faire des jeux pour travailler et améliorer le temps d'attention, etc.

« Chaque enfant est différent, chaque difficulté relevée est différente, c'est un métier qui demande de l'imagination », relève Shirley Thomy qui peut aussi proposer une partie thérapie psychomotrice, avec des exercices autour du corps pour redonner du plaisir dans la perception de soi. Dans sa salle dédiée, tout un tas de jeux, dont une slackline et des outils de relaxation, aident ainsi à améliorer la confiance en soi qui manque tant à ces jeunes.

C'est un travail d'équipe. On participe à la création du projet de l'enfant, avec les éducateurs et la psychologue. Ce projet en réunion est présenté aux familles qui doivent le signer. On leur propose tout un suivi, le but est que la famille adhère et que l'enfant soit acteur de sa prise en charge.

Citation de Shirley Thomy, psychomotricienne

Ne pas laisser les choses se dégrader pour le bien-être de tous

Changement de lieu et d'ambiance en fin de matinée au siège du CDE à Mont-de-Marsan. Steeve Demay, coordinateur de travaux qui s'occupe notamment de la bonne exécution du gros œuvre sur ses sites par des prestataires extérieurs, fait le tour des chantiers en cours. Son équipe interne, composée de Frédéric (menuisier de formation), des deux Christophe (plomberie et peinture), de Franck (Espaces verts) et Mathieu (mécanicien), gère les travaux de maintenance (aménager une étagère, rénover un appartement, entretenir le parc automobile, etc.).

« Dès que quelque chose commence à se dégrader, je ne laisse pas traîner. Si on laisse un trou, un carreau cassé, ça s'agrandit, je suis très à cheval là-dessus pour le bien-être du public accueilli », souligne l'artisan, spécialiste en électricité. Le mur blanc tagué de cigarettes écrasées a ainsi été très vite repeint en gris anthracite, « maintenant je leur fais la guerre pour le garder propre ! Parfois on met les jeunes à contribution pour nettoyer. C'est un public difficile, amené à casser des choses. On leur demande parfois de refaire avec nous, il y a quelque chose d'éducatif là-dedans même si je ne suis pas éducateur technique », confie cet ex-prof de boxe dans les quartiers du Peyrouat et la Moustey.  

L'intégration par l'autonomie

Ce jour-là, le CDE vient de recevoir deux nouveaux MNA (mineurs non accompagnés) : « il faut donc deux lits de plus. Hop ! On va les chercher ! », lance le professionnel, très réactif.

Les MNA, c'est aussi l'affaire de Julie Bouillaud, la coordinatrice du Service d'accès et d'intégration par l'autonomie (SAIS). Éducatrice au foyer de l'enfance depuis 2006 auprès d'adolescentes, elle a participé à la création d'un nouveau service, celui de l'accès à l'autonomie pour des jeunes filles de 16 à 21 ans en foyer ou famille d'accueil. Avec l'arrivée des jeunes migrants à partir de 2017, « le Département nous a demandés de nous adapter et le foyer de l'enfance a commencé à en accueillir en octobre » cette année-là, avant de créer un service à part entière courant 2018. 

Depuis, Julie Bouillaud a le rôle d'interface entre l'équipe et la direction, un rôle de messager et de fil rouge dans l'organisation du quotidien et au niveau des projets individualisés de ces jeunes qui sont actuellement 40 au sein du Foyer de l'enfance (200 au niveau des Landes, venus surtout d'Afrique subsaharienne, du Pakistan, d'Afghanistan et du Bangladesh).

Parmi eux, beaucoup de jeunes devenus apprentis en CFA, internes à Dax avec retour le week-end ici ou faisant des allers-retours en train pour Morcenx.

Steeve Demay © S. Zambon | Dpt 40

Les mineurs non accompagnés s'adaptent extrêmement bien à l'apprentissage et au cadre professionnel. Les employeurs sont très contents d'eux notamment dans les métiers du bâtiment et la restauration, où il manque beaucoup de main d'œuvre. C'est aussi un vecteur d'intégration pour ces jeunes au parcours migratoire très douloureux, des jeunes souvent maltraités, torturés, humiliés qui ont parfois traversé des zones de guerre.

Citation de Julie Bouillaud, coordinatrice MNA

 

Au-delà de l'aide aux procédures administratives et de l'avancée des projets individuels, la responsable participe régulièrement à des moments du quotidien avec eux, comme lors d'ateliers repas : « la dernière fois, on avait fait un curry de pois chiches. On fait aussi des bœufs bourguignons, des recettes françaises et d'autres de leur pays. Chacun amène de sa culture dans l'échange, cela participe aussi au processus d'acculturation ».

La cuisine comme outil de partage

La cuisine est aussi un lieu important à l'Encantada, la Maison d’enfant à caractère social avec soins intégrés (MECSSI) de l'avenue de Nonères à Mont-de-Marsan, où cet après-midi-là tout est calme comme c'est le temps de la réunion des équipes, les jeunes n'étant pas arrivés. À l'issue, Emmanuel Sumatra a prévu de préparer une quiche pour la sortie équitation du lendemain. Le maître de maison de cette structure de jour et de nuit qui accompagne, en roulement, 15 jeunes de 13 à 18 ans en perte de repères, utilise la cuisine comme un outil de partage. 

« J'adapte, je mets en place l'activité en fonction des capacités du jeune », explique cet ancien militaire et maître-chien, originaire de La Réunion, « j'ai créé un livre de recettes simplifiées trouvées sur internet avec des images des petits dessins : gâteau au chocolat, tarte aux fruits, crêpes, des choses simples et gourmandes. On se retrouve pendant une heure dans la cuisine, ce sont souvent des moments de partage et d'intimité où le jeune se confie alors qu'il n'a pas forcément envie de parler à un éducateur en face à face. Si ce n'est pas important, je le garde pour moi ; si ça peut impacter sa santé ou le mettre en danger, je peux en parler à l'équipe. Souvent les parents ont lâché prise, à nous de trouver les mots pour les apaiser, leur proposer des choses pour qu'ils se sentent bien ». 

Emmanuel Sumatra © S. Zambon | Dpt 40

Amener le jeune « vers quelque chose de positif »

Une quinzaine de professionnels (éducateurs, aide-soignant, aide médico-psychologique...) travaillent à des projets personnalisés avec ces jeunes en placement judiciaire ou administratif, ayant des troubles du comportement ou des problèmes familiaux, le plus souvent déscolarisés et qui s'expriment souvent par la violence. 

Dans ce lieu chaleureux où trône un baby-foot dans l'espace central commun, l'idée est de les amener vers l'autonomie : mise en place des menus de la semaine dans un souci de gestion de petit budget, courses au supermarché pour voir les prix et ce qu'il faut ou non acheter, fonctionnement de la machine à laver pour garder sa chambre propre. « Il faut souvent beaucoup répéter les choses pour qu'elles rentrent », souligne Emmanuel Sumatra, « mais mon plus grand bonheur, c'est de retrouver un jeune à l'extérieur qui a passé son permis, est en autonomie, a trouvé un boulot. On se dit que notre travail paie. S'il avait été laissé seul à ses 15 ans, il ne serait pas où il en est aujourd'hui. On l'a amené vers quelque chose de positif ».

Le Centre départemental de l'enfance en chiffres

334 agents et près de 1 200 enfants et jeunes accompagnés.

3 pôles dans les Landes, 10 établissements et services :

 

Protection de l'enfance : 

- Foyer de l'enfance
- Centre familial
- Maison d’enfants à caractère social avec du soin intégré (MECSSI)

 

Handicap :

- Institut médico-éducatif (IME)
- Service d’éducation spéciale et de soins à domicile de l'Établissement public (SESSAD) de Soin d’Insertion et d’Intégration (EPSII)
- Institut thérapeutique éducatif et pédagogique (ITEP) & Service d’éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) du Pays Dacquois
- Institut thérapeutique éducatif et pédagogique (ITEP) & Service d’éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) de Morcenx

 

Prévention des inadaptations :

- Centre médico-psychologique et pédagogique départemental (CMPP)

 

Plus d'infos sur landes.fr.

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