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05/05/2025
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Chaussures jetées sur le seuil de la porte, les collégiens s’engouffrent dans le studio de danse du conservatoire de Mont-de-Marsan pour la deuxième session de la journée. L’échauffement glisse doucement vers la répétition. Les séquences prennent forment. « Par rapport au début, on a bien évolué », constatent Jules et Mathys. Le groupe éclate, occupe tout l’espace, avant de se recentrer, guidé par les mots d’Edgar et Mohamed. « C’est nous qui avons écrit les textes », explique Fabio. « On les a travaillés avec notre prof de français et aussi d’espagnol. Du coup on a mis un mot d’espagnol dans le slam », reprend Mathis.
Encadrés par la compagnie Bela & Côme, ces élèves participent à la création d’un spectacle de danse contemporaine dans le cadre du dispositif Culture en herbe, lancé en 2013 par le Département des Landes.
Tandis que les 4e construisent leur projet à travers une série d’ateliers chorégraphiques, la compagnie, installée en résidence au collège Jean-Rostand développe En liesse, sa nouvelle création. Deux projets qui avancent côte à côte et insufflent une dynamique collective à tout l’établissement : les portes des répétitions s’ouvrent, les échanges se multiplient et l’art devient une expérience partagée.
Pour Bela Balsa et Côme Tanguy, cofondateurs de la compagnie, Culture en herbe fait bien plus qu’ouvrir une salle de répétition : il crée un cadre sécurisant et propice à la création. « Sans cet accompagnement du Département, nous n’aurions jamais pu monter En liesse. Ce dispositif nous apporte un écran protecteur de douceur et de bienveillance. C’est un vrai confort à la fois logistique et humain », confie le chorégraphe.
Deux semaines de résidence, un budget dédié, un projet de médiation à l’année mais surtout, une présence constante des élèves. « Profs et collégiens peuvent venir assister à nos séances. Leurs retours nous permettent d’ajuster la pièce en direct. Ça crée un vrai lien entre pédagogie et création et ils nous apportent des réponses concrètes à nos intuitions scéniques », explique l’artiste.
En retour, les élèves dansent, écrivent, questionnent, s’interrogent pour créer leur spectacle. L’objectif est de partir de leur propre vécu : « l’idée a été d’abord d’identifier leur concernement. Qu’est-ce qui est important pour eux ? À quoi ils attachent de la valeur ? », détaille Côme Tanguy.
Pour nourrir cette réflexion, la philosophe Sophie Geoffrion de l’association Philoland, est venue les aider à mettre des mots sur leurs priorités : « on a parlé de ce qui compte pour nous, genre l’argent, le bonheur, la réussite, l’injustice », évoque Mathys. À partir de ces thèmes, le chorégraphe a composé une pièce en textes et en mouvements, où chacun donne une part de soi.
Au-delà du fond, les ateliers apportent aussi une découverte de la scène : techniques corporelles, écoute de l’autre, espace partagé avec le souhait que les jeunes s’approprient pleinement l’aventure artistique. « Nos idées ont été retenues et chacun a sa phrase dans les slams », précise Mathis, avant de dévoiler la sienne : « quand je suis seul, personne ne me juge, je peux tout faire ». À ses côtés, Fabio partage sa version toute aussi personnelle : « parfois je préfère le masque ».
Tous deux l’avouent : ils ont commencé un peu à reculons. Aujourd’hui, ils sont les premiers à mesurer le chemin parcouru. « On est sortis de notre zone de confort. Au début, on a honte de faire certains mouvements et puis ça devient naturel », confie Mathis. Fabio, lui, dit avoir gagné en assurance : « quand je me fais porter dans une scène, je suis obligé de faire confiance ».
Une confiance rendue possible par l’accompagnement bienveillant de Côme et Bela. « Avec eux, on a l’impression qu’on ne fait jamais mal. Même quand on se trompe, ça peut devenir une autre manière de créer », se rassure Mathis.
Omaima mesure la chance de vivre cette expérience. Elle confie aussi ses premières appréhensions : « Dans ma culture, la danse est importante, mais au début c’était gênant de danser devant les autres ». Maya, Naïa et Justine, plus familières de la discipline, ont trouvé un autre intérêt : la liberté de créer. « Ce qui nous a motivées, c’est de pouvoir ajouter nos propres gestes et chorégraphies », expliquent-elles. Si Maya constate qu’il est « plus simple de danser avec son groupe de danse qu’avec la classe », Justine remarque surtout que « tout le monde n’a pas la même motivation ». Mais toutes s’accordent sur un point : « on ne voit pas souvent notre classe comme ça. D’habitude, on fait des maths et du français en cours ». Une expérience inspirante qu’elles ont aussi documentée dans un reportage qui sera publié sur le blog du collège.
Car le projet a largement débordé du cadre artistique. Il s’est invité dans toutes les disciplines : en anglais, les élèves ont travaillé Money, money, money d’Abba, utilisée dans une séquence du spectacle, en mathématiques, une leçon sur la symétrie s’est transformée en atelier dansé dans la cour. « La prof nous a fait comprendre la symétrie par le mouvement », racontent Mathis et Fabio.
Fiers, impatients et tout de même un peu stressés, les élèves se préparent désormais pour le grand jour : la représentation du 12 mai devant tout le collège, puis devant leurs familles. Une expérience complète entre apprentissage et dépassement de soi qu’ils ne sont pas près d’oublier.
Tout comme les collégiens de Saint-Sever et Gabarret car cette dynamique créative ne s’arrête pas aux portes du collège Jean-Rostand. Deux autres opérations marquent la saison 12 de Culture en herbe. À Saint-Sever, la classe de 4e du collège Cap de Gascogne suit le processus de création de Matthieu Dandreau et de sa compagnie ES3-Théâtre en interrogeant leurs familles et leurs souvenirs d’enfance. À Gabarret, la compagnie Le Bruit du Silence, dirigée par Isabelle Florido, ouvre un champ d’exploration pluriel avec les collégiens de Jules Ferry autour de l’écriture, du théâtre, de la danse et de la langue des signes.
Trois approches artistiques avec toujours le même objectif : faire de la culture un terrain de rencontres et d’expression.
Créations partagées
Depuis 12 ans, Culture en herbe fait germer la création artistique au cœur des collèges landais. Ce dispositif porté par le Département a déjà permis de concrétiser 43 projets au sein de 33 structures (29 collèges, 3 MECS et une unité hospitalière). Le principe : chaque année, un artiste ou une compagnie, choisi par le Département pour sa singularité et son expérience dans la médiation, s’installe le temps d’une résidence au collège pour partager avec les élèves et les équipes pédagogiques les étapes de la création.
L’objectif est double : soutenir la création contemporaine – avec déjà 40 compagnies ou artistes accompagnés – et offrir aux jeunes une ouverture sur les arts, en les impliquant directement dans une démarche artistique. Depuis le lancement, environ 1 250 collégiens ont participé à ces aventures culturelles.
Bien plus qu’un simple outil d’éducation artistique, Culture en herbe est aussi un moyen de faire rayonner la culture sur le territoire. Familles, habitants et programmateurs sont régulièrement invités à découvrir les œuvres en cours, lors des sorties de résidence ou des restitutions publiques des projets des élèves.
Pour aller plus loin
Les sites du département