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« On ne sait jamais ce qui nous attend dix secondes plus tard », confie Aurélien Perletti, lieutenant-chef du Centre d'incendie et de secours (CIS) de Mimizan, en ajustant sa tenue pendant que des pompiers s'affairent dehors à nettoyer et vérifier les camions rouges. Cette phrase résume à elle seule l'essence du métier de pompier dans les Landes, territoire où la forêt de pins maritimes s'étend à perte de vue, créant un environnement aussi beau qu'il est potentiellement dangereux.
La caserne de Mimizan, un des 59 CIS stratégiquement répartis sur le territoire par le Service départemental d'incendie et de secours des Landes (Sdis40), fonctionne avec 13 pompiers professionnels et 37 volontaires, auxquels s'ajoutent de jeunes saisonniers pour renforcer les équipes durant l'été, « en flux tendu, comme partout », entend-on au café ce matin-là.
L'organisation varie selon les saisons. En hiver, quatre pompiers sont casernés de 7h à 19h, avec un mélange de professionnels en semaine et de professionnels et volontaires à 50/50 le week-end. La nuit, ce sont les pompiers volontaires qui assurent les astreintes. Mais dès le 15 juin et jusqu'au 15 septembre, le dispositif se renforce considérablement : six pompiers sont alors casernés 24h sur 24, preuve de l'intensification des risques. Sur les 1 800 interventions annuelles de cette caserne, 600 se concentrent sur la période du 15 juin au 15 septembre.
Hors urgences, la journée commence invariablement par la vérification du matériel, rituel sacré de tous les services de secours. Equipement passé au crible, véhicules inspectés un par un. Puis la manœuvre d'entraînement est organisée par les officiers de garde, avant une bonne séance de sport qui mène l'équipe jusqu'à midi et l'heure des pâtes carbonara ce jour-là, puis un après-midi dédié à l'entretien du casernement et au travail administratif.
L'observation d'une manœuvre permet de saisir la technicité de cette lutte si particulière. Vincent Castagnède, adjudant-chef et chef des opérations dans le 4x4 à l'avant, fait le tour du feu simulé dans la forêt près du cimetière, les autres se préparent. « À l'attaque ! », lance-t-il dans la radio. La technique est précise dans un travail de balayage et de crayonnage : « il faut arroser 2/3 de ce qui est brûlé et 1/3 de ce qui n'est pas brûlé, histoire de casser les flammes et mouiller au maximum pour que ça ne brûle pas à côté ».
L'eau forme une pellicule blanche qui fixe l'humidité sur les végétaux, créant des gouttelettes comme le fait un Canadair. Dans les fumées épaisses en condition réelle, « il arrive que les deux porte-lance qui se suivent dans des camions ne se voient même pas. Il faut s'attendre, être toujours en sécurité », insiste Aurélien Perletti.
Les fameux camions citernes feux de forêt (CCF) embarquent 6 000 litres d'eau pour une heure d'attaque. Dans une spécificité landaise, commente l'adjudant-chef Pierre Guillet qui a démarré sa carrière en 1992 avec Vincent Castagnède à Uza à l'époque où il y avait là 9 professionnels à l'année, « on va chercher le feu avec le camion qui peut coucher des pins de 15 ans pour avancer au plus près. Les équipiers sont toujours deux, côte à côte : le conducteur et celui dans le trou d'homme avec sa lance ». Un esprit de corps intact, forgé dans l'adversité des grands feux, le quotidien des interventions, dans une tradition de service public exigeante.
Quand les camions sont pris par le feu, le système d'autoprotection en eau peut se déclencher pour préserver la cabine, les organes vitaux du véhicule, et les hommes. En 2022, lors des grands feux estivaux démarrés en Gironde voisine, des pompiers landais se souviennent, malgré tout, de lunettes et de rétroviseurs ayant fondu sous la chaleur extrême, jusqu'à plusieurs centaines de degrés.
Pour 2025, après un mois de juin caniculaire et malgré des semaines en juillet relativement humides, la vigilance reste de mise : « il y a du vent tous les jours, ça peut sécher très rapidement ». Quelques petits départs de feu ont été recensés autour de Mimizan, et « au niveau départemental, c'est presque quotidiennement qu'il y en a », rapporte Aurélien Perletti. Sa caserne couvre en premier départ les communes de Mimizan, Aureilhan, Sainte-Eulalie et Bias, et intervient en renfort sur Pontenx, Mézos, Saint-Julien-en-Born, Gastes et Saint-Paul-en-Born. Pour les feux de forêt, leur rayon d'action s'étend bien plus loin encore. D'ailleurs, deux pompiers volontaires de Mimizan sont partis courant juillet en renfort à Martigues (Bouches-du-Rhône) et pourront être relayés si besoin.
L'expertise landaise rayonne en effet bien au-delà du département. « En 2024, 34 agents du Sdis sont partis en renfort dans le Sud-Est de la France, 16 à Mayotte, 13 en Nouvelle-Calédonie et 3 en mission d'expertise feu de forêt en Thaïlande, République tchèque et en Chine. Un agent a même formé des sauveteurs aquatiques en Mongolie », souligne Mathieu Costa, chargé de communication au Sdis 40, lui-même pompier volontaire à Biscarrosse.
Ce savoir-faire reconnu passe aussi par l'utilisation des dernières innovations technologiques. Le Sdis s'est notamment doté d'une équipe de drones avec une dizaine de pompiers formés à ce pilotage de précision.
Ces appareils de plus en plus petits ont prouvé leur valeur ajoutée, notamment grâce à la vision thermique. En juin dernier, lors d'un incendie sur le site industriel de la papeterie de Mimizan, les drones ont démontré toute leur utilité car « l'œil humain ne voit pas le point chaud qu'il reste, eux oui », certifie le professionnel.
Au quotidien, dix-huit tours de guet de 40 mètres de haut, réparties à travers le département et équipées de caméras, permettent de surveiller en permanence la forêt landaise. De quoi remplacer efficacement le guetteur qui montait la tour à l'époque : « les caméras balayent la forêt de façon automatique. Ça peut être simplement un engin agricole qui dégage de la fumée, mais dès qu'il y a un doute, les caméras fixent la fumée ». Ce système sophistiqué utilise trois caméras par tour : deux qui prennent des photos à 360 degrés et une manipulable depuis la base départementale de Mont-de-Marsan. L'ordinateur compare l'image actuelle avec une photo de référence et émet une alerte. Un opérateur peut alors prendre la main sur la troisième caméra pour lever le doute : « si c'est de la fumée d'incendie, on envoie aussitôt les moyens ».
Au moindre départ de feu en risque modéré, ce sont cinq unités qui sont engagées, soit dix camions, cinq 4x4 et 25 pompiers. « En risque sévère, c'est majoré », précise Aurélien Perletti, « ça fait partie des retours d'expérience de 2022 : ne pas lésiner sur les engagements de moyens » dans une stratégie d'attaque massive et précoce. La dangerosité particulière de ces feux reste gravée dans les mémoires.
La sécurité des hommes est alors, et toujours, la priorité. « Les grands incendies de 2022 ont renfloué cet aspect encore un peu plus. On est aujourd'hui dans une sécurité pas loin de ce qu'on peut faire de mieux », selon Vincent Castagnède : « notre rôle en tant que chef est aussi de savoir attendre du renfort pour ne pas engager d'hommes ni de matériel dans des événements trop dangereux. La qualité première d'un pompier, c'est l'adaptabilité ».
Les feux de 2022 ont marqué les esprits et permis d'ajuster les pratiques. « Ce fut une année éprouvante et fatigante mais constructive. C'est là qu'on voit les liens de solidarité et de fraternité qu'on peut avoir au sein du corps et aussi avec les populations et les élus, car une chaîne de soutien s'est mise en place spontanément », se souvient Aurélien Perletti.
Quentin Delmée, caporal-chef originaire de Picardie et ancien pompier de Paris, a découvert ici la spécificité forestière. Après un détachement au Centre d'essais des Landes (CEL), il a tout fait pour revenir vivre ici. « J'ai appris la culture forestière et c'est aujourd'hui ce qui m'intéresse le plus », affirme ce professionnel qui avait jusqu'alors plutôt arrêté des feux urbains en Seine-Saint-Denis.
Cette nuit-là de fin juillet, à 4h42, ce n'est pas un incendie qui réveille l'équipe de Mimizan mais une intervention pour un déclenchement de téléalarme chez un papi. Alertés comme toujours par le CTA Codis basé à Mont-de-Marsan qui reçoit tous les appels et dispatche les interventions, une minute plus tard, les pompiers sont prêts à y aller. Sur les ordinateurs, tous les personnels et matériels disponibles sont recensés en permanence, et géolocalisés, avec toujours une version papier en cas de panne, et des atlas urbains et forestiers avec l'intégralité des routes, chemins, points d'eau, et les coordonnées DFCI (Défense des forêts contre les incendies), acteur majeur de la prévention contre les incendies de forêts qui fait aussi des patrouilles au milieu des pins.
Car si les feux de forêt marquent l'imaginaire, ils ne représentent finalement à Mimizan que 20 % de l'activité contre 80 % de secours aux personnes, en plus des interventions aquatiques avec leur bateau et leur jet-ski. La caserne dispose d'ailleurs l'été d'un infirmier sapeur-pompier (ISP) présent tous les jours de 10h à 22h du 1er juillet au 31 août, pour compenser au maximum l'éloignement des centres hospitaliers de Dax ou Mont-de-Marsan, à une heure de route.
Dans des services parfois débordés par ces secours à la personne, les sapeurs-pompiers ne cessent d'appeler la population à la vigilance dans leur comportement : respecter les pistes balisées, se renseigner sur les interdictions de balades en forêt en cas de risque canicule auprès de la préfecture ou sur le Facebook du Sdis40, éviter les pique-niques sauvages avec réchauds et planchas qui se développent avec l'essor des fourgons aménagés. Et relève le chef de caserne, « par tout temps et en toute saison, le mégot, c'est dans le cendrier ! »
Quelques chiffres
Le Sdis 40, c'est 314 sapeurs-pompiers professionnels, et 1 804 sapeurs-pompiers volontaires (payés entre 8 et 13 euros de l'heure selon leur grade, mais « les gens ne font pas ça pour l'argent, c'est une autre démarche », souligne Mathieu Costa, chargé de communication au Sdis 40) ainsi que :
74 personnels administratifs techniques spécialisés
59 centres d'incendie et de secours (CIS) répartis dans le territoire landais
11 031 points d'eau recensés
73 feux de végétation dont 42 feux de forêt en 2024,
20 hectares de brûlés dont 15 hectares de forêt
Au niveau départemental, le CTA (centre de traitement des appels) basé à Mont-de-Marsan reçoit plus de 90 000 appels annuels, se traduisant par 40 221 interventions en 2024 (49,7% des appels), dont 88,5 % concernent le secours à personne et moins de 4 % les incendies.
Pour aller plus loin
Les sites du département